Monday 19 June 2023

L’Indochine française et le Yunnan

Comme je l’ai déjà indiqué dans un autre billet, Maléfices apparaît comme un jeu relativement parigo-centré. Pour des raisons indépendantes de ma volonté et dues aux développements des dernières aventures de mes joueurs (cf. les résumés ci-contre), je suis contraint de m’intéresser à la situation de l’Indochine française à la Belle Époque. Voici donc une brève notice.

L’Indochine française

Rappelons tout d’abord que l’Indochine française comporte une seule colonie (la Cochinchine), quatre protectorats : Annam, Tonkin, Cambodge et Laos, et un territoire à bail : la base navale de Kouang-Tchéou-Wan dans l’extrême-sud de la Chine (que la France rêve de transformer en un nouveau Hong Kong).

L’histoire de l’Indochine française à la Belle Époque est émaillée de plusieurs incidents politiques. 

La guerre franco-chinoise, qui dure de septembre 1881 à juin 1885, est censée opposer les deux pays au sujet de la suzeraineté sur l’Annam et le Tonkin mais — en réalité — elle est déclenchée par la France pour le contrôle du cours supérieur du fleuve Rouge, artère commerciale entre l’Indochine et la Chine. Bien que la France soit au final victorieuse dans cette guerre, la retraite peu glorieuse de Lạng Sơn provoque la « crise du Tonkin » qui fait chuter le gouvernement de Jules Ferry en mars 1885 et qui met fin à la carrière politique de ce dernier.

Entre 1885 et 1896, l’Annam et le Tonkin, bien que définitivement conquis, sont en rébellion ouverte contre les Français et les Vietnamiens convertis au catholicisme. Cependant la cour impériale se rallie à la France, puis la Chine se rapproche de la France au moment de la guerre sino-japonaise de 1894, privant les rebelles de leur base arrière.

L’ambitieux Paul Doumer est nommé gouverneur général de l’Indochine française en février 1897. Il reprend vite en main ce territoire endetté, centralise son administration éparpillée, et affaiblit le pouvoir impérial de la dynastie Nguyễn censée régner sur la partie vietnamienne de l’Indochine française. Il met en place des taxes sur divers produits de première nécessité qui appauvrissent les indigènes et certains colons mais rétablissent le budget du territoire endetté, ce qui lui permet de lancer de grands travaux publics, principalement au Tonkin et tout particulièrement des chemins de fer (cf. ci-dessous). En 1902, la capitale de l’Indochine française est transférée de la Cochinchine au Tonkin. Ce transfert de la capitale du sud au nord n’est pas innocent : Paul Doumer est partisan d’une colonisation de la Chine par la France mais agit de son propre chef sans en informer Paris. La première étape de son projet est censée être l’annexion de la prospère province du Yunnan, dans le sud-ouest de la Chine. Cependant ses agissements entre 1899 (déplacement de Doumer auprès du vice-roi du Yunnan, suivi d’un soulèvement anti-français des mineurs d’étain de cette province) et 1901 (gestion des troupes coloniales en fonction anti-chinoise, en opposition avec la hiérarchie militaire) sont probablement la cause de son retour en métropole en 1902.

C’est également de l’Indochine française que partent les missions catholiques dans l’extrême-est du Tibet, via le Yunnan. Leur agitation anti-bouddhiste est la cause de la révolte tibétaine de 1905-1906 qui a pour conséquence le renforcement de la présence chinoise dans la région.

Le Yunnan

Auguste Pavie explore le cours du Mékong (« mission Pavie » 1889-1890). Le but de cette mission est de cartographier précisément la haute vallée du Mékong, prélude à la construction des « Chemins de fer de l’Indochine et du Yunnan » (1904-1910), cette voie étant nécessaire à l’exportation des marchandises françaises et indochinoises vers la Chine et à l’exploitation des matières premières du Yunnan par des sociétés françaises. Ce projet est considéré comme prioritaire par Paul Doumer ; la Compagnie française des chemins de fer de l’Indochine et du Yunnan est constituée en 1901.

À noter qu’Auguste Pavie est partisan d’une colonisation pacifique et respectueuse des coutumes locales. Il s’oppose ainsi — indirectement, car il est à Paris lorsque Doumer est en Indochine — à la politique du gouverneur général.

Auguste François, installé à Yun-Nan-Fou, la capitale du Yunnan, de 1899 à 1904 en tant que consul général et délégué au chemin de fer (directement rattaché au Ministère des affaires étrangères) s’oppose lui aussi résolument aux visées expansionnistes de Paul Doumer et évite ainsi un nouveau conflit entre la France et la Chine.


carte établie par la mission Pavie



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