Friday 18 August 2023

la politique à la Belle Époque

Nous, Européens du XXIe siècle, sommes convaincus que l’opposition droite−gauche est une sorte d’horizon indépassable de l’antagonisme politique. La situation était pourtant relativement différente, surtout dans le domaine parlementaire, à l’époque qui nous intéresse.

Jusque dans les années 1870, les électeurs (rappelons tout de même que seuls les hommes ont le droit de vote) se partagent entre monarchistes de diverses obédiences et républicains. Cependant la crise du 16 mai 1877 finit de décrédibiliser le monarchisme (même s’il continuera à y avoir des élus monarchistes), et l’antagonisme politique et électoral se déplace entre tenants d’un républicanisme anticlérical et/ou social et républicains modérés (c’est-à-dire nationalistes et conservateurs). Après la brève fièvre du boulangisme (1885-1889), c’est entre dreyfusards et antidreyfusards que se creuse l’opposition majeure (1894-1906), cf. p.20-23 des règles de Maléfices.

N’oublions pas non plus que, dans un pays dépourvu de moyens de transport et de communication rapides, les élections se font le plus souvent sur des enjeux locaux et ce n’est qu'une fois « montés à Paris » que députés et sénateurs choisissent dans quel groupe parlementaire ils vont siéger : en effet, il n’y a pas de véritable parti politique (avec des cotisants, des fédérations départementales, des congrès...) avant 1901, lorsqu’apparaît l’Alliance républicaine démocratique, laïque de centre-droit. Elle est suivie en 1902 par l’Action libérale populaire, également de centre-droit (mais catholique), puis en 1903 par la Fédération républicaine, de droite mais favorable au droit de vote des femmes. Ce n’est qu’en 1905 que naît un parti de gauche, la Section française de l’Internationale ouvrière. Voir aussi le résumé sur les partis politiques p.25 des règles de Maléfices.

C’est que les extrêmes agissent plutôt en-dehors du système parlementaire... ainsi le Parti radical, synonyme de sénateur vieillissant de nos jours, était à son origine, en 1901, un mouvement d’extrême-gauche. De même, bien que moins puissants qu’au XIXe siècle, les anarchistes sont toujours actifs au sein du mouvement ouvrier. À l’opposé, on trouve diverses ligues nationalistes (monarchistes ou républicaines) et antisémites.

Ce n’est qu’après l’adoption de la Loi de séparation des Églises et de l’État, en décembre 1905, que le combat politique vient à nouveau se situer sur l’axe gauche−droite.

No comments:

Post a Comment

Paradoxe

  Je suis en train de lire l’excellentissime ouvrage La Belle Époque de Michel Winock (bon, c’est la toute première référence bibliographiq...