Tuesday 6 June 2023

Kabbale et cabale

La kabbale ou g[u]ématrie est une science numérologique hébraïque consistant à additionner la valeur numérique des lettres composant les mots des textes sacrés afin d’en tirer des enseignements cachés. En effet, en hébreu, chaque lettre a à la fois une valeur phonétique et une valeur numérique. La littérature hébraïque médiévale reconnaît l’intérêt de la g[u]ématrie mais met en garde contre le risque de superstition ; en particulier, l’étude de la kabbale est censée demeurer strictement réservée aux personnes ayant une connaissance approfondie des textes sacrés.

Au XVe siècle un érudit juif sicilien, Samuel ben Nissim Abulfaraj, se convertit au catholicisme puis quitte la Sicile pour l’Italie centrale où il fréquente les humanistes de la Renaissance dont le philosophe et théologien Jean Pic de la Mirandole (dont il devient probablement l’amant). Il traduit pour ce dernier des traités kabbalistiques, permettant ainsi à Jean Pic de la Mirandole de fonder la cabale chrétienne ou cabale de la Renaissance, qui applique les techniques de la kabbale hébraïque au Nouveau Testament. Cette cabale de la Renaissance se répand dans toute l’Europe occidentale et en particulier en Angleterre (John Dee) et dans le Saint-Empire (Rodolphe II). De nombreux mouvements occultes européens de la fin du XIXe et du début du XXe siècles s’en inspirent ou s’en prétendent les continuateurs : l’Aube dorée, la Thelema, etc. pour sa tradition anglophone, et la Rose-Croix et l’Ordo Templi Orientis pour sa tradition germanophone.

Au XIXe siècle, Paul-Louis-Bernard Drach, Juif alsacien converti au catholicisme, reprend et promeut la cabale chrétienne auprès des autorités ecclésiastiques, à la fois en France et en Italie.

À l’époque du jeu Maléfices, les deux traditions : cabale d’Europe du nord et cabale catholique, sont donc présentes – outre la kabbale hébraïque qui n’a bien sûr jamais disparu mais qui reste du domaine des érudits de religion juive.

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